« Madame et Monsieur Tout-le-Monde sont les seuls artisans possibles d’un renouvellement en profondeur de nos institutions »

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Tribune

Depuis la victoire inédite de listes participatives lors des municipales de 2020, une nouvelle démocratie « par le bas » est expérimentée partout en France, soulignent, dans une tribune au « Monde », la coopérative Fréquence Commune, qui réunit des communes participatives depuis 2020, et le réseau Actions Communes, qui rassemble depuis 2022 plus de 70 communes et collectifs participatifs en France.

« Nous ne sommes pas en démocratie » : cette petite phrase est en train de devenir un lieu commun. Article 49.3, dialogue social confiné à l’anecdotique, procédures parlementaires accélérées… Voilà les formes prises par le passage en force du gouvernement face au mouvement social, aux syndicats de travailleurs et travailleuses et aux élus et élues de l’Assemblée nationale comme du Sénat. Elles caractérisent le tournant autoritaire que prend la Ve République. Elles confirment le constat d’une crise des institutions et du besoin de changer de régime démocratique.

Alors que des manifestations historiques sont comparées à une foule de factieux, un nouveau cap a été franchi : le renoncement à instaurer une démocratie vivante progresse et l’emporte, de la part des résignés comme de ceux qui nous gouvernent. Au sein de notre coopérative Fréquence Commune et du réseau Actions Communes (réseau qui rassemble les communes et collectifs participatifs en France), nous observons ce défaut de démocratie depuis plusieurs années.

Débarrassés de cette illusion que nos institutions républicaines seraient également démocratiques, nous nous attelons à trouver des méthodes, des habitudes de travail entre les élus et élues et les habitants et habitantes, pour faire vivre le peu de démocratie que nos institutions permettent. Or, en pleine réforme des retraites, alors que les articles de notre Constitution sont utilisés comme des munitions à l’encontre du dialogue social et du Parlement, nous estimons qu’il est temps d’aller plus loin et nous l’avons exprimé depuis nos mairies.

Pour un travail d’orfèvrerie citoyenne

Les citoyennes et les citoyens doivent reprendre le pouvoir et redonner du sens au statut de l’élu. Au-delà des clivages politiques et partisans, dans tous les villages et les villes, c’est désormais à Madame et Monsieur Tout-le-Monde de prendre ses responsabilités. Car si Paris s’embrase, focalisant l’attention des commentateurs, les mobilisations les plus fortes – au sens où elles seraient les plus révélatrices – viennent des communes de Poitiers, Vaour, La Montagne ou encore La Crèche, et bien d’autres.

Là, citoyennes et citoyens se mobilisent, dans la continuité du phénomène inédit des listes participatives des dernières élections municipales, où 700 collectifs se sont présentés en 2020, regroupant plus de 12 000 candidats et candidates. Et, sans attendre le grand soir, des habitants et habitantes, des non-professionnels de la politique, font, depuis qu’ils ont reconquis leur mairie, ce travail d’orfèvrerie citoyenne qui consiste à redorer, rue par rue, maison par maison, l’idéal démocratique.

Sous les radars, ceux qui se tiennent souvent loin des partis politiques prennent leurs responsabilités pour animer une démocratie vivante. Freinés par les institutions de la Ve République, elles et ils mettent en place une démocratie municipale par le bas. Avec des méthodes renouvelées, en faisant parfois fi d’un cadre institutionnel qui aspire davantage au contrôle qu’à la vitalité de la parole citoyenne, ces communes reposent les bases d’un contrat social partageant le pouvoir entre les élus et élues, les habitants et habitantes et les agents publics.

Loin des sirènes de la « participation » et de la gadgétisation de « l’innovation démocratique », qui ne proposent presque jamais de faire le lien à la décision, ces villes prennent le risque de s’en remettre à la souveraineté populaire pour des choix structurants et impactants. Tirage au sort, porte-à-porte, coconstruction sur le budget, la sécurité, l’éducation, le dérèglement climatique, l’économie locale, elles et ils font advenir une autre forme de citoyenneté, un autre rôle des élus et élues, une autre place pour les maires, une autre relation au pouvoir, une démocratie qui sert l’égalité, la justice sociale et l’écologie.

La délibération, la base du fonctionnement démocratique

Au niveau local, nous constatons tous les jours notre capacité à redonner vie à ces lieux de débats en élaborant de nouvelles méthodes favorisant la décision collective, l’initiative citoyenne et ouvrant des espaces de discussion pour accueillir les avis et attentes des habitants et habitantes. Car la délibération est à la base du fonctionnement démocratique. En chemin, ces citoyens et citoyennes gagnent en compétence, échangent des arguments, examinent les controverses et font évoluer leurs opinions pour arriver à une décision d’intérêt général.

Pourtant, en France, au niveau national, cette délibération n’existe plus et ni le Parlement, ni les syndicats, ni les manifestations n’obtiennent le dialogue et la construction de décisions collectives et porteuses de solutions. Les communes participatives continuent et continueront donc de porter une alternative démocratique aux propositions autoritaires du gouvernement actuel ou de l’extrême droite.

Madame et Monsieur Tout-le-Monde sont les seuls artisans possibles d’un renouvellement en profondeur de nos institutions. Et si nous n’avons pas réussi à changer de Constitution d’ici là, nous nous organiserons pour porter au pouvoir des milliers de listes participatives dans les communes en 2026, en fédérant un mouvement fort qui renverse et redéfinit les règles du jeu politique.

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